Une patiente inconnue au bataillon se présente afin que je lui remplace une dent extraite sur son dentier.
Jusque là, rien d’extraordinaire. Sauf qu’en principe, celui qui extrait se charge de remplacer. Je flaire l’arnaque.
C’est mon coté limier.
Je demande donc qui a extrait. La dame répond qu’elle ne sait plus le nom du dentiste, c’est ailleurs, dans un autre quartier, plus loin.
Marrant ça, ça arrive souvent que les gens oublient nos noms…pourtant on fourre nos mains dans vos bouches, quand même, c’est assez marquant pour que vous vous en souveniez, non ?
Et pourquoi donc ne l’a-t-elle pas faite remplacer par ce cher anonyme ?
Parce qu’elle a déménagé et n’a pas eu le temps. Et puis maintenant, elle habite dans mon quartier, alors c’est ici qu’elle vient.
Prends moi pour une poire. Je la flaire énorme ton arnaque. Je vais continuer à explorer le terrain pour découvrir ce que tu me caches.
- « Bon, mais c’est que ça va vous coûter des sous. »
en général , quand on aborde le sujet « pognon », les gens trouvent toujours des explications et des justifications à tout.
Alors, tu mords à l’appât ?
- « ah, non, parce que je suis à 100% »
ben, vi ,t’as mordu.
- « 100% pour quoi ? »
- « pour ma maladie »
et pourquoi tu m’en as pas parlé avant ?je viens de te demander de remplir le questionnaire de santé en entrant. Pourquoi t’as rien noté ?
la dame présente une maladie particulière et est donc couverte pour ses dépenses de santé afférentes à cette dite maladie par la sécu. Les 100% la couvrent pour cette ALD ( affection longue durée) , pas pour autre chose. Par exemple, si l’ALD concerne un bobo au pied alors les pansements du pied seront pris en charge, pas ceux de la main, ni des dents, ni des yeux, etc…
connaissant l’ALD de la patiente, j’affirme que la réparation du dentier sera à sa charge à elle, et ne passera pas à 100% par la sécu.
Evidemment, elle n’est pas d’accord. Elle veut ses dents gratos.
Elle me tend sa carte vitale et m’explique que c’est écrit dessus.
Vi, mais tu vois, une carte vitale, ça se bidouille, ça se vole, ça se prête. Alors je préfèrerais l’attestation, seul document officiel.
Elle cherche dans son sac à main et me la tend. Je vérifie. J’ai raison.
On fait quoi ?
Elle soutient qu’elle ne veut pas payer.
Ben va y avoir comme un problème alors…
Elle m’annonce alors qu’elle est à la CMU.
Ben pardi !
A nouveau, je demande à voir l’attestation. Elle fouille le sac à main, le vide, le re rempli, le secoue. Ben, non. L’attestation CMU ne veut pas sortir du sac.
Faudra revoir ton tour de magie, madame.
Pas de souci, je vais appeler le centre de sécu dont elle dépend.
Bizarrement, ils ne l’ont pas enregistrée en CMU. Uniquement, en ALD pour un problème de santé ne concernant pas la bouche.
Je raccroche.
Bon, alors on fait quoi ?
C’est alors qu’elle se souvient qu’elle s’est trompée de carte vitale.
!!!! Heureusement que j’étais assise !!!!
et hop ! La voilà qui me tend une autre carte verte comme si c’était une carte de paiement.
Tiens, y a plus de sous sur cette carte vitale ? ben , sers-toi de l’autre.
Elle manie les cartes vitales comme d’autres les cartes american express.
Et t’as un jeu de 32 ou de 54 cartes ?
Et tranquillement, elle m’explique qu’avec la carte d’ici, elle est à 100% et avec la carte vitale d’une autre ville, elle bénéficie de la CMU.
Je suis aussi verte que la carte.
Mais c’est pas un peu illégal, ça ? c’est pas une carte verte par tête de pipe dans ce pays?
Alors, bien sûr, c’est pas ce genre de truc que vous verrez dans les reportages sur France 2 où on vous expliquera que les dentistes sont des gens très très méchants qui refusent de soigner les pauvres et les indigents et les CMU et qui n’accueillent que les gens bien habillés qui vivent à Neuilly ( d’ailleurs, tous les dentistes de France sont installés à Neuilly, c'est bien connu). mais il faut quand même que vous sachiez que vous servez à payer des cartes vitales à des gens bien plus malins que vous, qui savent que ça ne sert à rien de se lever pour aller bosser mais qu’il vaut mieux filouter la sécu pour récupérer des cartes vitales et des droits de toutes sortes.
Alors, on se fait un poker ?
samedi 28 mars 2009
mardi 17 mars 2009
semaine de pannes
lundi 9 mars :
c’est dur, c’est lundi.
Mon assistante me parle, me parle. Je la regarde me parler mais je n’intègre pas vraiment ce qu’elle dit. Je fais mon boulot, je prends une empreinte. Elle continue à me causer. De quoi ? je sais pas. elle cause. C’est pas désagréable, ça fait comme un bruit de fond. Et soudain, l’accident : elle a posé une question. Ce qui implique une réponse de ma part. j’ai les mains dans la bouche du patient, je me concentre sur mes mains mais en fait j’essaie de retrouver sa question. Je cherche. Non, je trouve pas. je désinserre l’empreinte de la machoire du patient ( c’est comme une désincarcération mais y a pas les pompiers) et j’examine le résultat de mon travail. Ça me parait pas mal. Mais je sens le regard de Mlle qui attend sa réponse. Je lève les yeux et hausse les épaules. Et à cet instant précis, l’empreinte souillée d’un mélange de sang et de salive me glisse des doigts et atterri sur ma blouse. En plein milieu. Ma blouse toute propre, toute blanche de ce matin maculée d’une grande tache marron. Je rouspète à voix basse :
- « c’est malin »
- « quoi ? j’ai rien fait » me rétorque Mlle avec un petit sourire.
- « si. Vous m’avez déconcentrée. »
- « je peux pas vous parler aujourd’hui ? »
je lève les yeux mais je sais déjà qu’elle cache un immense sourire sous son masque. Je vois ses yeux qui se plissent. Elle s’en va cacher son rire moqueur dans la salle de stérilisation.
Je fais la tronche. gentiment, elle me ramène une autre blouse, propre.
- « merci. Mais c’est quand même votre faute »
et la voilà qui recommence à se payer ma tête. Elle va me mettre en boite toute la journée, je le sens.
Le reste du lundi s’est à peu près bien passé. Sauf que j’étais pas réveillée du tout.
Et à 17h15, j’ai réalisé qu’il me manquait une couronne que le patient de 9h00 m’avait laissée pour que je la lui re-scelle la prochaine fois.
- « elle est où ? »
- « qui ça ? »
- « la couronne du patient de 9h00. elle était dans un petit paquet d’emballage de compresses »
- « et c’est maintenant que vous le dites ? ça fait plus de huit heures qu’on l’a vu, ce monsieur »
je sens comme une pointe de moquerie dans la voix de Mlle.
on a donc cherché la couronne partout. C’est malin. Pour le coup, elle a fait un petit tour d’autoclave. ( la couronne, pas l’assistante).
Mardi 10 mars :
Une patiente appelle pour avoir un rdv. Pas de bol, l’assistante est déjà en ligne. La dame pourrait laisser un message sur le répondeur mais non. Elle préfère rappeler et elle explique :
- « j’ai appelé mais c’est le robot qui a répondu. J’ai pas voulu lui parler alors je vous rappelle »
???? le robot ??? quel robot ? ah ! ça s’appelle un répondeur.
Mercredi 11mars :
Dès le matin, quand j’arrive, Mlle fait la gueule.
- « bonjour, ça va ? »
- « bonjour, non »
- « kékigna ? »
- « l’ordinateur ne s’allume plus »
? saleté de machine. Un jour, je vais te brûler.
J’essaie un peu tout partout. Finalement, c’est un mauvais branchement de la prise secteur.
C’est pas donné à tout le monde d’être docteur…
Jeudi 12 mars :
Dès le matin, quand j’arrive, Mlle fait la gueule.
- « bonjour, ça va ? »
- « bonjour, non »
- « kékigna ? »
- « l’autoclave ne s’allume plus »
- « vous allez m’en servir une nouvelle comme ça chaque matin ? »
j’ausculte l’autoclave, j’appelle le technicien : soit c’est un fusible soit c’est le bouton de mise en route. En effet, c’est le bouton marche arrêt. Démontage, remontage avec un domino et ça repart.
Dans la matinée, je soupçonne un problème aquatique au fauteuil. A la pause de midi, je démonte et j’inspecte. Rien. Je referme. A 14h00, je soigne une patiente et soudain je réalise que j’ai les pieds, la pédale du fauteuil et les roulettes de ma chaise qui baignent dans le lac Titicaca. J’informe l’assistante :
- « nous avons un problème »
- « ah bon ? »
- « vi. Ça baigne »
nous renvoyons la patiente et sortons les serpillières.
Mais on la guigne en ce moment ou quoi ?
Je redémonte le fauteuil : non de …un tuyau s’est débranché quand j’ai refermé le capot ce matin.
Vendredi 13 : avec Mlle on s’est fait un loto… et on a perdu.
C’est bien la preuve que le vendredi-13-porte-bonheur est une pure ânerie inventée de toute pièce pour que l’état s’en mette plein les poches sur le dos des gens crédules. Un peu comme nous.
c’est dur, c’est lundi.
Mon assistante me parle, me parle. Je la regarde me parler mais je n’intègre pas vraiment ce qu’elle dit. Je fais mon boulot, je prends une empreinte. Elle continue à me causer. De quoi ? je sais pas. elle cause. C’est pas désagréable, ça fait comme un bruit de fond. Et soudain, l’accident : elle a posé une question. Ce qui implique une réponse de ma part. j’ai les mains dans la bouche du patient, je me concentre sur mes mains mais en fait j’essaie de retrouver sa question. Je cherche. Non, je trouve pas. je désinserre l’empreinte de la machoire du patient ( c’est comme une désincarcération mais y a pas les pompiers) et j’examine le résultat de mon travail. Ça me parait pas mal. Mais je sens le regard de Mlle qui attend sa réponse. Je lève les yeux et hausse les épaules. Et à cet instant précis, l’empreinte souillée d’un mélange de sang et de salive me glisse des doigts et atterri sur ma blouse. En plein milieu. Ma blouse toute propre, toute blanche de ce matin maculée d’une grande tache marron. Je rouspète à voix basse :
- « c’est malin »
- « quoi ? j’ai rien fait » me rétorque Mlle avec un petit sourire.
- « si. Vous m’avez déconcentrée. »
- « je peux pas vous parler aujourd’hui ? »
je lève les yeux mais je sais déjà qu’elle cache un immense sourire sous son masque. Je vois ses yeux qui se plissent. Elle s’en va cacher son rire moqueur dans la salle de stérilisation.
Je fais la tronche. gentiment, elle me ramène une autre blouse, propre.
- « merci. Mais c’est quand même votre faute »
et la voilà qui recommence à se payer ma tête. Elle va me mettre en boite toute la journée, je le sens.
Le reste du lundi s’est à peu près bien passé. Sauf que j’étais pas réveillée du tout.
Et à 17h15, j’ai réalisé qu’il me manquait une couronne que le patient de 9h00 m’avait laissée pour que je la lui re-scelle la prochaine fois.
- « elle est où ? »
- « qui ça ? »
- « la couronne du patient de 9h00. elle était dans un petit paquet d’emballage de compresses »
- « et c’est maintenant que vous le dites ? ça fait plus de huit heures qu’on l’a vu, ce monsieur »
je sens comme une pointe de moquerie dans la voix de Mlle.
on a donc cherché la couronne partout. C’est malin. Pour le coup, elle a fait un petit tour d’autoclave. ( la couronne, pas l’assistante).
Mardi 10 mars :
Une patiente appelle pour avoir un rdv. Pas de bol, l’assistante est déjà en ligne. La dame pourrait laisser un message sur le répondeur mais non. Elle préfère rappeler et elle explique :
- « j’ai appelé mais c’est le robot qui a répondu. J’ai pas voulu lui parler alors je vous rappelle »
???? le robot ??? quel robot ? ah ! ça s’appelle un répondeur.
Mercredi 11mars :
Dès le matin, quand j’arrive, Mlle fait la gueule.
- « bonjour, ça va ? »
- « bonjour, non »
- « kékigna ? »
- « l’ordinateur ne s’allume plus »
? saleté de machine. Un jour, je vais te brûler.
J’essaie un peu tout partout. Finalement, c’est un mauvais branchement de la prise secteur.
C’est pas donné à tout le monde d’être docteur…
Jeudi 12 mars :
Dès le matin, quand j’arrive, Mlle fait la gueule.
- « bonjour, ça va ? »
- « bonjour, non »
- « kékigna ? »
- « l’autoclave ne s’allume plus »
- « vous allez m’en servir une nouvelle comme ça chaque matin ? »
j’ausculte l’autoclave, j’appelle le technicien : soit c’est un fusible soit c’est le bouton de mise en route. En effet, c’est le bouton marche arrêt. Démontage, remontage avec un domino et ça repart.
Dans la matinée, je soupçonne un problème aquatique au fauteuil. A la pause de midi, je démonte et j’inspecte. Rien. Je referme. A 14h00, je soigne une patiente et soudain je réalise que j’ai les pieds, la pédale du fauteuil et les roulettes de ma chaise qui baignent dans le lac Titicaca. J’informe l’assistante :
- « nous avons un problème »
- « ah bon ? »
- « vi. Ça baigne »
nous renvoyons la patiente et sortons les serpillières.
Mais on la guigne en ce moment ou quoi ?
Je redémonte le fauteuil : non de …un tuyau s’est débranché quand j’ai refermé le capot ce matin.
Vendredi 13 : avec Mlle on s’est fait un loto… et on a perdu.
C’est bien la preuve que le vendredi-13-porte-bonheur est une pure ânerie inventée de toute pièce pour que l’état s’en mette plein les poches sur le dos des gens crédules. Un peu comme nous.
lundi 2 mars 2009
La dent de l’œil.
Une journée en désordre pour reprendre après une semaine de congés.
A noter le fin du fin de la fin de journée : un patient à qui je dévitalise une canine inférieure, donc sur la mandibule. La mâchoire du bas si vous préférez. Et son épouse est là aussi, elle m’observe. Et soudain, une idée de génie la traverse :
- « c’est la dent de l’œil ? »
??? vi, ton mari a les yeux sous le menton.
- « non, non, ce n’est pas celle-là, la dent de l’œil. C’est celle qui est en rapport avec l’œil, la dent de l’oeil »
- « ah ? »
c’est que c’est compliqué, l’anatomie...
A noter le fin du fin de la fin de journée : un patient à qui je dévitalise une canine inférieure, donc sur la mandibule. La mâchoire du bas si vous préférez. Et son épouse est là aussi, elle m’observe. Et soudain, une idée de génie la traverse :
- « c’est la dent de l’œil ? »
??? vi, ton mari a les yeux sous le menton.
- « non, non, ce n’est pas celle-là, la dent de l’œil. C’est celle qui est en rapport avec l’œil, la dent de l’oeil »
- « ah ? »
c’est que c’est compliqué, l’anatomie...
mardi 17 février 2009
dialogue de fous
Mardi : une assistante dans le caramel.
Le boulot de Mlle consiste à débarrasser le fauteuil, nettoyer et ranger entre deux patients de manière à ce que chacun aie l’impression d’être le premier, le dernier et le seul patient de la journée. Puis elle doit donner le rdv suivant au patient qui part, accueillir celui qui arrive tout en répondant au téléphone à celui qui voudrait venir aussi. Pas facile car elle bénéficie d’environ six minutes pour cela. Et en plus elle doit m’assister au fauteuil.
Mais Mlle n’était pas en forme aujourd’hui. Un monsieur vient pour un rdv mais elle oublie de le noter sur l’agenda. Pas fichue de déterminer une heure de rdv à une personne au téléphone, elle hésitait entre divers horaires, différents jours. C’est moi qui ai finalement stoppé les dérives du pointeur du mulot sur l’écran d’ordinateur.
- « imposez-vous ! »
- « ben euh… »
- « c’est vous qui dirigez l’emploi du temps, pas les gens. Cette fonction est la vôtre, vous n’avez ni dieu ni maitre dans la gestion du temps. A part moi. »
- « gggnn ? »
Pas fraiche l’assistante aujourd’hui.
Et au fauteuil ? pareil. Elle est censée aspirer l’eau et la salive avec la pompe à salive. Mais pour cela, il faut poser la dite pompe dans la bouche du patient. Elle la tient en l’air comme la torche de la statue de la liberté. Je lui fais signe :
- « ben alors ? »
- « ben quoi ? »
elle comprend pas.
je lui montre la pompe et lui fais signe à nouveau
- « ben quoi ? »
- « ben le monsieur va se noyer bientôt. Vous attendez quoi avec la pompe en l’air ? »
- « ah ? ah oui ! »
ça y est. Elle a compris !
un peu plus tard, j’annonce ce que je vais faire, elle peut donc préparer le matériel adéquat. Mais rien ne vient.
Elle est en pause ? c’est sur quel bouton qu’il faut appuyer ?
puis, je commence à sortir le matériel pour prendre un cliché radio mais je m’aperçois que je l’ai déjà fait à la dernière visite. Donc j’éloigne le cône radio. Qu’à cela ne tienne, elle ramène consciencieusement le cône et sort le matériel radio.
- « non »
- « ah bon ? »
- « ben non »
- « ah ? »
- « faut suivre un peu »
mais je sens bien que c’est pas le jour.
Demain, elle va à la visite médicale. Sera-t-elle apte ?
Mercredi : la dépression.
Que les gens soient dépressifs, ça arrive. Mais qu’ils ne viennent pas me pleurer dans les bras ! je reçois une jeune femme qui va pas bien. Elle a refusé de s’alimenter pendant deux mois à cause de problèmes avec sa grand-mère.
Ppfff…les mémés alors…
Elle a un quart d’heure de retard et lorsqu’elle s’installe sur le fauteuil, elle me regarde avec une furieuse envie de se mettre à chialer.
Je déteste ça, les chialeuses. Si ta vie va pas bien, va voir un psy. Pas un dentiste.
Elle a une belle carie (parmi d’autres). Je la sens fragile, très fragile. ( la patiente, pas la carie). Alors que je l’examine, elle m’annonce qu’elle va s’évanouir.
Je t’ai encore rien fait, c’est pas jeu !
- « pardon ? »
- « je risque de m’évanouir »
- « ah bon ? »
- « oui, ça m’arrive souvent »
- « certes, mais là, on n’a pas le temps. Alors une autre fois, merci »
du coup, elle s’est tenue bien sage.
Je lui ai posé un pansement. Je pense qu’avant de soigner les dents, il faut d’abord soigner la tête. Et elle est d’accord. Elle part en cure pour 8 semaines au bord de la mer, en pension complète. Mais elle est pas contente…
Des vacances au bord de la mer pendant huit semaines payées par la sécu, moi, ça m’irait bien.
Jeudi : dialogue de fous.
J’ai reçu un ancien officier de gendarmerie ce matin. Je retranscris la conversation de suite avant d’oublier. Je tiens à re-préciser que je n’invente rien, je rapporte exactement, mot pour mot.
Ce monsieur arrive légèrement en retard et tient à s’excuser :
- « j’ai le fils à la maison. On est en plein travaux. De l’informatique. Mais il est parti pour un décès. On a tout recopié. C’est long. Tous ces dossiers, à recopier. C’est le jeune qui est venu à la place. Mais c’est pas pareil. Il y en a partout. »
vous avez compris ? pas moi.
A la fin du soin, retour au bureau et pendant que je fais les papiers, j’entame la conversation, histoire que ça passe plus vite :
- « alors, vous avez des problèmes informatiques »
- « oui. Avec mon ancien chef de brigade on remet tout à neuf. Mais c’est pas pareil. Et puis mon fils est parti avec tous ces décès. Alors on lui a changé le disque dur. C’est que comme je suis le président de l’association et que je suis membre de tas de choses, je m’en sers deux fois par trimestre quand même. Mais j’en ai marre. Et personne ne veut reprendre le flambeau. Enfin, on arrive bien à vivre avec un infarctus. Ce que je mets sur le compte des épices. Du coté de saint Raphaël. .»
et là, vous avez compris ? moi toujours pas.
je n’ai pas contredit ni demandé d’explication complémentaire. J’ai acquiescé et il est parti. Mais de quoi nous avons parlé, mystère.
Le boulot de Mlle consiste à débarrasser le fauteuil, nettoyer et ranger entre deux patients de manière à ce que chacun aie l’impression d’être le premier, le dernier et le seul patient de la journée. Puis elle doit donner le rdv suivant au patient qui part, accueillir celui qui arrive tout en répondant au téléphone à celui qui voudrait venir aussi. Pas facile car elle bénéficie d’environ six minutes pour cela. Et en plus elle doit m’assister au fauteuil.
Mais Mlle n’était pas en forme aujourd’hui. Un monsieur vient pour un rdv mais elle oublie de le noter sur l’agenda. Pas fichue de déterminer une heure de rdv à une personne au téléphone, elle hésitait entre divers horaires, différents jours. C’est moi qui ai finalement stoppé les dérives du pointeur du mulot sur l’écran d’ordinateur.
- « imposez-vous ! »
- « ben euh… »
- « c’est vous qui dirigez l’emploi du temps, pas les gens. Cette fonction est la vôtre, vous n’avez ni dieu ni maitre dans la gestion du temps. A part moi. »
- « gggnn ? »
Pas fraiche l’assistante aujourd’hui.
Et au fauteuil ? pareil. Elle est censée aspirer l’eau et la salive avec la pompe à salive. Mais pour cela, il faut poser la dite pompe dans la bouche du patient. Elle la tient en l’air comme la torche de la statue de la liberté. Je lui fais signe :
- « ben alors ? »
- « ben quoi ? »
elle comprend pas.
je lui montre la pompe et lui fais signe à nouveau
- « ben quoi ? »
- « ben le monsieur va se noyer bientôt. Vous attendez quoi avec la pompe en l’air ? »
- « ah ? ah oui ! »
ça y est. Elle a compris !
un peu plus tard, j’annonce ce que je vais faire, elle peut donc préparer le matériel adéquat. Mais rien ne vient.
Elle est en pause ? c’est sur quel bouton qu’il faut appuyer ?
puis, je commence à sortir le matériel pour prendre un cliché radio mais je m’aperçois que je l’ai déjà fait à la dernière visite. Donc j’éloigne le cône radio. Qu’à cela ne tienne, elle ramène consciencieusement le cône et sort le matériel radio.
- « non »
- « ah bon ? »
- « ben non »
- « ah ? »
- « faut suivre un peu »
mais je sens bien que c’est pas le jour.
Demain, elle va à la visite médicale. Sera-t-elle apte ?
Mercredi : la dépression.
Que les gens soient dépressifs, ça arrive. Mais qu’ils ne viennent pas me pleurer dans les bras ! je reçois une jeune femme qui va pas bien. Elle a refusé de s’alimenter pendant deux mois à cause de problèmes avec sa grand-mère.
Ppfff…les mémés alors…
Elle a un quart d’heure de retard et lorsqu’elle s’installe sur le fauteuil, elle me regarde avec une furieuse envie de se mettre à chialer.
Je déteste ça, les chialeuses. Si ta vie va pas bien, va voir un psy. Pas un dentiste.
Elle a une belle carie (parmi d’autres). Je la sens fragile, très fragile. ( la patiente, pas la carie). Alors que je l’examine, elle m’annonce qu’elle va s’évanouir.
Je t’ai encore rien fait, c’est pas jeu !
- « pardon ? »
- « je risque de m’évanouir »
- « ah bon ? »
- « oui, ça m’arrive souvent »
- « certes, mais là, on n’a pas le temps. Alors une autre fois, merci »
du coup, elle s’est tenue bien sage.
Je lui ai posé un pansement. Je pense qu’avant de soigner les dents, il faut d’abord soigner la tête. Et elle est d’accord. Elle part en cure pour 8 semaines au bord de la mer, en pension complète. Mais elle est pas contente…
Des vacances au bord de la mer pendant huit semaines payées par la sécu, moi, ça m’irait bien.
Jeudi : dialogue de fous.
J’ai reçu un ancien officier de gendarmerie ce matin. Je retranscris la conversation de suite avant d’oublier. Je tiens à re-préciser que je n’invente rien, je rapporte exactement, mot pour mot.
Ce monsieur arrive légèrement en retard et tient à s’excuser :
- « j’ai le fils à la maison. On est en plein travaux. De l’informatique. Mais il est parti pour un décès. On a tout recopié. C’est long. Tous ces dossiers, à recopier. C’est le jeune qui est venu à la place. Mais c’est pas pareil. Il y en a partout. »
vous avez compris ? pas moi.
A la fin du soin, retour au bureau et pendant que je fais les papiers, j’entame la conversation, histoire que ça passe plus vite :
- « alors, vous avez des problèmes informatiques »
- « oui. Avec mon ancien chef de brigade on remet tout à neuf. Mais c’est pas pareil. Et puis mon fils est parti avec tous ces décès. Alors on lui a changé le disque dur. C’est que comme je suis le président de l’association et que je suis membre de tas de choses, je m’en sers deux fois par trimestre quand même. Mais j’en ai marre. Et personne ne veut reprendre le flambeau. Enfin, on arrive bien à vivre avec un infarctus. Ce que je mets sur le compte des épices. Du coté de saint Raphaël. .»
et là, vous avez compris ? moi toujours pas.
je n’ai pas contredit ni demandé d’explication complémentaire. J’ai acquiescé et il est parti. Mais de quoi nous avons parlé, mystère.
lundi 9 février 2009
Journée des engueulades.
Aujourd’hui, lundi 9/2/9, j’ai fait très fort.
D’abord, ce matin, j’ai reçu une mise en demeure d’EDF pour n’avoir pas payé ma facture d’électricité alors que le chèque a été encaissé ! ils avaient juste pas mis à jour leurs dossiers. Et donc ils menaçaient de couper le courant dans deux jours.
Evidemment, j’ai chopé le bigophone et ça a fumé. Non seulement, le fric, ils l’avaient sur leur compte mais en plus ils sont pas capables de fournir correctement le quartier en électricité. Qu’ils font payer bien sûr. J’ai donc transmis un message aux patrons de la demoiselle que j’ai eu au téléphone ( ça servait à rien de l’allumer à elle, elle n’est qu’employée. Ce sont les têtes qu’il faut viser. Les têtes !) : à la prochaine coupure de jus dont nous ferons les frais, je calcule MA facture, mon manque à gagner et je facture à EDF.
Deuxième temps fort de la journée : MCU est venu pour l’essayage de ses futures prothèses. Il commence d’entrée, avant même d’être assis sur le fauteuil, par m’assurer qu’il a une infection aux molaires droites supérieures et qu’il pense qu’il va gonfler au niveau du chicot qui lui sert de canine du même coté.
Non, c’est moi que tu gonfles…Si ce sont les molaires, c’est pas la canine, va falloir choisir d’où tu gonfles…
J’essaie les maquettes. Quelques petites retouches faites, je passe à ses douleurs dentaires.
Je cherche l’infection : y a pas.
- « mais si, mais si, je sens le sucré par là »
ben, alors, si tu sens le sucré, c’est pas infecté. Pour que ça soit infecté, il faut que ça soit mort. D’abord nécrose de la dent puis gangrène. C’est comme ça que fonctionne l’être humain, d’abord il meurt, après il pourrit. Mais une fois pourri, on ne sent plus rien.
Je décide de chercher la carie et tombe devant un mur de crasse qui recouvre ce que je soupçonne être des dents.
Vachement bien planquées, les ratiches.
Donc je regarde, abattue, le boulot qui m’attend. Faudrait-il que je nettoie d’abord les dents de la plaque qui les ensevelie avant de dépister les caries ?
Par exemple, le garagiste doit-il d’abord nettoyer la boue qui masque la voiture avant de la réparer ? la coiffeuse doit-elle d’abord enlever les poux du client avant de lui couper les cheveux ? le médecin doit-il d’abord laver le patient avant de l’ausculter ? non. Alors pourquoi je le ferai ? je fais donc remarquer à MCU que son manque d’hygiène ne me laisse pas la possibilité de bien voir les dents. Il ergote qu’il fait tous ses efforts pour qu’elles soient propres. Vu que c’est la troisième séance où je le lui fais remarquer, je commence à trouver qu’il exagère. Je tente de nettoyer au spray d’eau ( en m’éloignant assez pour ne pas me faire contaminer) mais il se plaint de la sensation douloureuse au froid. Donc je vais devoir l’anesthésier avant de déblayer les dents de leur couche de saleté. J’attrape la seringue et je m’approche.
- « mais il y a un abcès, il faut pas m’anesthésier »
- « non, il n’y a pas d’abcès »
- « ce serait pas mieux si je prenais des antibiotiques ? »
- « non, y a pas d’infection »
je pose l’aiguille sur la gencive, je n’ai pas le temps de piquer ni d’injecter qu’il se met à gueuler. Là, je m’énerve.
Je pose la seringue, je relève le fauteuil et je fais une chose qui m’arrive très rarement : je le fous dehors.
- « mais c’est infecté, c’est pour ça que ça fait mal »
- « non, vous n’avez aucune infection dentaire. Vous gueulez parce que vous avez peur. Vous avez peut être des caries mais c’est impossible de vous soigner, vous ne vous laissez pas faire, y a pas moyen, alors vous sortez »
- « quoi ? »
- « vous sortez et je ne veux plus vous voir. J’en ai marre de vous. Je ne peux même pas voir les caries tellement c’est sale. Je ne veux plus vous voir ici. Dehors. »
Et voilà. Je l’ai viré. Mon assistante est apparue et m’a demandé comment j’avais pu le supporter si longtemps. J’avais fait un effort mais là je n’ai plus la patience. En fait, je suis bien contente. Ça me soulage de savoir que je n’aurais plus à mettre les doigts dans ce crasseux.
Vraiment, il faut que le gouvernement mette quelque chose en place pour enrayer la crise du savon. C’est plus possible.
D’abord, ce matin, j’ai reçu une mise en demeure d’EDF pour n’avoir pas payé ma facture d’électricité alors que le chèque a été encaissé ! ils avaient juste pas mis à jour leurs dossiers. Et donc ils menaçaient de couper le courant dans deux jours.
Evidemment, j’ai chopé le bigophone et ça a fumé. Non seulement, le fric, ils l’avaient sur leur compte mais en plus ils sont pas capables de fournir correctement le quartier en électricité. Qu’ils font payer bien sûr. J’ai donc transmis un message aux patrons de la demoiselle que j’ai eu au téléphone ( ça servait à rien de l’allumer à elle, elle n’est qu’employée. Ce sont les têtes qu’il faut viser. Les têtes !) : à la prochaine coupure de jus dont nous ferons les frais, je calcule MA facture, mon manque à gagner et je facture à EDF.
Deuxième temps fort de la journée : MCU est venu pour l’essayage de ses futures prothèses. Il commence d’entrée, avant même d’être assis sur le fauteuil, par m’assurer qu’il a une infection aux molaires droites supérieures et qu’il pense qu’il va gonfler au niveau du chicot qui lui sert de canine du même coté.
Non, c’est moi que tu gonfles…Si ce sont les molaires, c’est pas la canine, va falloir choisir d’où tu gonfles…
J’essaie les maquettes. Quelques petites retouches faites, je passe à ses douleurs dentaires.
Je cherche l’infection : y a pas.
- « mais si, mais si, je sens le sucré par là »
ben, alors, si tu sens le sucré, c’est pas infecté. Pour que ça soit infecté, il faut que ça soit mort. D’abord nécrose de la dent puis gangrène. C’est comme ça que fonctionne l’être humain, d’abord il meurt, après il pourrit. Mais une fois pourri, on ne sent plus rien.
Je décide de chercher la carie et tombe devant un mur de crasse qui recouvre ce que je soupçonne être des dents.
Vachement bien planquées, les ratiches.
Donc je regarde, abattue, le boulot qui m’attend. Faudrait-il que je nettoie d’abord les dents de la plaque qui les ensevelie avant de dépister les caries ?
Par exemple, le garagiste doit-il d’abord nettoyer la boue qui masque la voiture avant de la réparer ? la coiffeuse doit-elle d’abord enlever les poux du client avant de lui couper les cheveux ? le médecin doit-il d’abord laver le patient avant de l’ausculter ? non. Alors pourquoi je le ferai ? je fais donc remarquer à MCU que son manque d’hygiène ne me laisse pas la possibilité de bien voir les dents. Il ergote qu’il fait tous ses efforts pour qu’elles soient propres. Vu que c’est la troisième séance où je le lui fais remarquer, je commence à trouver qu’il exagère. Je tente de nettoyer au spray d’eau ( en m’éloignant assez pour ne pas me faire contaminer) mais il se plaint de la sensation douloureuse au froid. Donc je vais devoir l’anesthésier avant de déblayer les dents de leur couche de saleté. J’attrape la seringue et je m’approche.
- « mais il y a un abcès, il faut pas m’anesthésier »
- « non, il n’y a pas d’abcès »
- « ce serait pas mieux si je prenais des antibiotiques ? »
- « non, y a pas d’infection »
je pose l’aiguille sur la gencive, je n’ai pas le temps de piquer ni d’injecter qu’il se met à gueuler. Là, je m’énerve.
Je pose la seringue, je relève le fauteuil et je fais une chose qui m’arrive très rarement : je le fous dehors.
- « mais c’est infecté, c’est pour ça que ça fait mal »
- « non, vous n’avez aucune infection dentaire. Vous gueulez parce que vous avez peur. Vous avez peut être des caries mais c’est impossible de vous soigner, vous ne vous laissez pas faire, y a pas moyen, alors vous sortez »
- « quoi ? »
- « vous sortez et je ne veux plus vous voir. J’en ai marre de vous. Je ne peux même pas voir les caries tellement c’est sale. Je ne veux plus vous voir ici. Dehors. »
Et voilà. Je l’ai viré. Mon assistante est apparue et m’a demandé comment j’avais pu le supporter si longtemps. J’avais fait un effort mais là je n’ai plus la patience. En fait, je suis bien contente. Ça me soulage de savoir que je n’aurais plus à mettre les doigts dans ce crasseux.
Vraiment, il faut que le gouvernement mette quelque chose en place pour enrayer la crise du savon. C’est plus possible.
c’est la crise : y a plus de savon !
le pays va mal. Très mal. Il semblerait que ses habitants aient pris la décision de ne plus se laver. Pour faire des économies de gel douche ? à force de nous seriner avec toutes ces histoires d’écolos, les gens finissent par faire aussi des économies d’eau...de lavage. Et c’est pas beau à voir. En ce moment, je reçois des patients qui, il y a quelques années, prenaient soin d’eux. Mais là ça se dégrade fortement.
D’abord, M.L : une dent cassée. Pas venu depuis trois ans. Il ouvre la bouche au moment où mon assistante vient me rejoindre au fauteuil. Je lui fais un signe discret pour qu’elle s’en aille. Je lui épargne ce spectacle peu ragoutant. Pas rasé, probablement pas lavé non plus, ses dents sont ensevelies sous un demi centimètre de crasse. Des caries règnent un peu partout avec du pus qui remonte des gencives quand on appuie.
Je suggère un usage un peu plus intense de la chose nommée brosse à dents.
- « je ne brosse pas les dents. Je ne fais qu’au bain de bouche »
- « vous brossez avec du bain de bouche ? »
- « non, non. Je rince deux fois par jour au bain de bouche. C’est tout »
il semble fier de lui de faire semblant de nettoyer sa bouche deux fois en vingt quatre heures. Je regarde sa femme.
comment elle fait pour y mettre la langue ? elle l’y met pas. Alors il doit pas se passer grand chose en nocturne. Les nuits d’hiver doivent être fort longues. C’est peut être pour ça qu’elle est pas guillerette.
Comment lui expliquer gentiment qu’il faut brosser pour éliminer la crassouille ?
Tu vois, ta voiture ? t’attends pas que l’eau de pluie la lave. Tu frottes pour enlever la boue. Ben, les dents, c’est pareil.
- « le bain de bouche ne suffit pas. Il est utile pour assainir la gencive mais pas pour ôter la plaque. Il faut d’abord brosser et après rincer au bain de bouche »
- « ah bon ? »
vi. Tu vois, d’abord tu frottes avec le savon et après tu mets le sent-bon. On parfume pas la crasse. Il faut parfumer le bonhomme propre. Du temps du service militaire, au moins les mecs apprenaient ça. Tout se perd…
puis vient Frou-frou.
Oh, non !
Je chope mon assistante dans le couloir :
- « vous m’aimez pas ? hein, vous m’aimez pas ? »
- « mais ssiii… »
- « alors pourquoi vous me faites ça dès le matin ? »
Elle part en rigolant.
Frou-frou va pas bien. Elle a un crochet de son appareil qui se desserre. Et puis il faudrait que je revois le reste. Son problème d’abcès sous son bridge est résolu ( yes !), je resserre le crochet, ça va mieux ( yes !) mais quand même elle va pas bien ( et merd…). Par mesure de sécurité pour mon agenda, je ne demande rien. Néanmoins, elle me cause de ses tracas. Elle a beaucoup de ‘’chocs’’ en ce moment. Je ne veux pas savoir lesquels de ‘’chocs’’.
C’est sûrement pas ton mec qui te fait des ‘’chocs’’ sinon ça irait mieux. En même temps, je me demande comment il fait pour te supporter. Pour le pognon ? je pense pas. par charité ? quel grand homme. mais s’il pouvait te besogner de temps en temps, ça nous aiderait. Faudra lui en parler, à un moment.
Je lance donc ici un appel humaniste : mesdames et messieurs, s’il vous plait, occupez-vous des nuits de vos conjoint(e)s, amants, maris, maîtresses, concubines, compagnons, ami(e)s, pacsés, ou autre. Homo, hétéro ou bi, on se fout de la manière dont vous le ferez, du moment, de la durée et autres détails. Et si vous ne le faites pas vous-même, payez quelqu’un (y a plein de gens qui cherchent du boulot et qui ont besoin de fric en ce moment). Tout ce que nous voulons, nous les dentistes, médecins, psy, et aussi les coiffeuses, barmans, boulangères, c’est que vos moitié(e)s cessent de nous enquiquiner parce que la couleur du ciel ne leur plait pas. Faites-leur voir le ciel en bleu ou en rose mais prenez vos responsabilités ! baisez-les qu’ils(elles) arrêtent de nous casser les pieds ! Et le reste.
Pour en revenir à Frou-frou, son organisme va très bien. Du moins pour ce qui me concerne. Donc je l’enjoins à quitter mon cabinet.
Nous avons aussi reçu M.B. Il faut que je lui trouve un pseudo. Voyons grand maitre des chiants de l’univers ? MCU ? c’est pas mal, ça. Alors MCU est faché avec la lyonnaise ( des eaux). Il évite les robinets de peur de faire une allergie à l’eau savonneuse. Pourtant ce monsieur a un poste à responsabilité auprès du public. Si, si. J’aime bien discuter avec lui car il a de la culture générale et qu’il est intéressant. Mais je n’aime pas le voir en tant que patient. Il sent mauvais. Il fume, du tabac et des fleurs aussi, il picole. Voilà pour la présentation du personnage. Il a mal aux dents. Toutes les dents. Il est atteint d’une parodontite débutée grâce à la clope et entretenue par une absence régulière d’hygiène. Ses anciens dentiers ne passent plus en bouche car les dents bougent. Il va falloir extraire. Mais cela, il a du mal à s’y résoudre. Car il le vit comme une castration. Je comprends.
Mais même en arrosant, tes chicots, ils vont pas repousser.
Je le fais ouvrir la bouche et regrette aussitôt ma témérité.
Faut que je réfléchisse avant de prendre des risques sanitaires aussi graves !
Il a pas croisé de brosse à dents depuis un bon bout de temps. Je dresse le diagnostic, le plan thérapeutique et les différentes solutions prothétiques. Je fais un devis et re-fixe un rendez-vous. Pour plus tard. Et un devis cher.
Pour pas qu’il revienne !!!
Le soir même, il rappelle, il est d’accord pour faire refaire tous ses appareils.
Youpi. Non, là, c’est totalement sarcastique. No youpi du tout…
Donc lors du rendez-vous suivant, j’extrais deux dents qui ne servent plus à rien. MCU me demande de forcer un peu plus sur l’anesthésie. Au cas où.
Non mais , ça va pas, non ? je suis pas là pour te shooter.
Puis je fais des empreintes pour les modèles d’étude. Ultra simple. C’est comme une pate de chewing-gum, avec un goût pas désagréable, qu’on vous met dans la bouche pendant environ une minute trente. Ultra simple. Sauf avec l’ultra chiant MCU. Pour faire cette pâte, on mélange de la poudre avec de l’eau. Je prépare la pate moi-même, je ne veux pas que mon assistante soit là. Parce que si elle vient aussi, soit je vire le patient parce qu’il m’énerve et qu’il est dégueulasse soit j’explose de rire tellement il est chiant.
Donc je prépare ma pâte, j’arrive avec le porte empreinte et à ce moment il pose des questions.
Mais tu peux pas te taire une minute ?
La pâte prend en une minute trente, il faut faire vite ! je réponds à la question et prends l’empreinte du bonhomme qui, évidemment, se met à gigoter. Je suis obligée d’interrompre pour savoir ce qui ne va pas.
- « c’est froid. J’aime pas ça »
- « ben oui mais vous avez pas le choix. »
je recommence à préparer de la pâte.
- « c’est bon ? l’empreinte est réussie ? »
- « ben non, vous avez voulu arrêter alors il faut la refaire »
en règle générale, j’en refais très peu. C’est ultra simple à faire et ça se rate très rarement. Et je déteste refaire. Forcément, je fais la gueule.
Je reprends mon empreinte. Vu le regard que je lui lance, MCU comprend à travers mon masque qu’il a intérêt à se tenir peinard. Je fais l’autre empreinte
- « ah, bon ? il en faut une autre ? »
- « ben, vous avez des dents en haut et en bas, non ? »
- « ah ? ah, oui »
la séance est finie. Il s’en va. Je désodorise le cabinet à grand coup d’air wick et je sors carrément dans la rue pour respirer de l’air pur.
Les jours suivants nous avons reçu la visite de M.D. nous avions déjà reçu sa sœur. Ils vivent tous ensemble, trois frères et une sœur, tous vieux garçons et une vieille fille, dans la même maison. Dans les 70 piges, chacun. Je sens bien que Mlle mon assistante fait de l’effet à M.D.
Et allez ! encore un amoureux potentiel.
M.D m’annonce qu’il a perdu une couronne faite en…mai 1966 !
Bon sang, ça c’est du ciment.
Et puis lui au moins il se souvient ce qu’il faisait en mai 66. ça m’épate.
Je fais un bilan dentaire. Là encore, la crise du savon a sévi. Pourtant on a progressé depuis 1966. maintenant on a l’eau courante, l’eau chaude, le gel douche, le dentifrice, le sent-bon. mais bon, c’est pas pire que Mme L. environ le même millésime, elle perd son bridge antérieur.
- « ah, ben, non, ce n’est pas le bridge qui s’est descellé. Ce sont les dents que vous perdez »
- « non, non, elles se déchaussent un peu. »
- « non, madame, elles tombent »
fais gaffe de pas éternuer trop fort.
- « je suis comme maman, j’ai les dents qui se déchaussent »
- « c’est à cause du tartre et de la plaque que vous laissez s’amonceler »
- « non, non, je suis comme maman. J’ai les gencives qui se déchaussent »
je n’insiste pas. en même temps, la mère, je l’ai pas connue. Peut-être qu’elle aussi était pleine de tartre et pas propre.
A la suite de cela, nous avons reçu M et Mme D. A nouveau, j’ai évité à Mlle d'assister à ce spectacle : je pense que M.D ne s’était pas lavé depuis environ 5 jours. En tout cas, pas les dents. Pas rasé non plus. Mais il avait mis de l’eau de toilette.
Ça ne nettoie pas, le sent bon, combien de fois faut vous le dire ? et ça ne désinfecte pas non plus.
Il avait des soins à faire mais vu l’état de crasse, j’ai sommairement effectué un détartrage et je l’ai congédié. Beurk.
Hélas, le pire était à venir. Jeudi, une dame a demandé un rendez-vous en urgence car son bridge antérieur est tombé.
Encore !
Et là, nous avons atteint le summum de la crassitude. Des chicots partout, des appareils qui dansent la gigue car les dents supports ont laché, de la plaque, du tartre et une odeur de corps !
- « vous avez vu ? il y a du travail, hein ? »
- « oui »
- « avec moi, vous allez avoir du travail »
il y a d’innombrables choses à extraire puis nettoyer. Beaucoup. Beaucoup. Beaucoup.
C’est une catastrophe. Ça fait bien huit ans que j’avais pas vu ça. Ça doit bien faire douze ans que ces gens ne se sont pas retrouvés face à face avec un gant de toilette, ou pire, une savonnette.
Donc c’était la semaine des crados.
D’abord, M.L : une dent cassée. Pas venu depuis trois ans. Il ouvre la bouche au moment où mon assistante vient me rejoindre au fauteuil. Je lui fais un signe discret pour qu’elle s’en aille. Je lui épargne ce spectacle peu ragoutant. Pas rasé, probablement pas lavé non plus, ses dents sont ensevelies sous un demi centimètre de crasse. Des caries règnent un peu partout avec du pus qui remonte des gencives quand on appuie.
Je suggère un usage un peu plus intense de la chose nommée brosse à dents.
- « je ne brosse pas les dents. Je ne fais qu’au bain de bouche »
- « vous brossez avec du bain de bouche ? »
- « non, non. Je rince deux fois par jour au bain de bouche. C’est tout »
il semble fier de lui de faire semblant de nettoyer sa bouche deux fois en vingt quatre heures. Je regarde sa femme.
comment elle fait pour y mettre la langue ? elle l’y met pas. Alors il doit pas se passer grand chose en nocturne. Les nuits d’hiver doivent être fort longues. C’est peut être pour ça qu’elle est pas guillerette.
Comment lui expliquer gentiment qu’il faut brosser pour éliminer la crassouille ?
Tu vois, ta voiture ? t’attends pas que l’eau de pluie la lave. Tu frottes pour enlever la boue. Ben, les dents, c’est pareil.
- « le bain de bouche ne suffit pas. Il est utile pour assainir la gencive mais pas pour ôter la plaque. Il faut d’abord brosser et après rincer au bain de bouche »
- « ah bon ? »
vi. Tu vois, d’abord tu frottes avec le savon et après tu mets le sent-bon. On parfume pas la crasse. Il faut parfumer le bonhomme propre. Du temps du service militaire, au moins les mecs apprenaient ça. Tout se perd…
puis vient Frou-frou.
Oh, non !
Je chope mon assistante dans le couloir :
- « vous m’aimez pas ? hein, vous m’aimez pas ? »
- « mais ssiii… »
- « alors pourquoi vous me faites ça dès le matin ? »
Elle part en rigolant.
Frou-frou va pas bien. Elle a un crochet de son appareil qui se desserre. Et puis il faudrait que je revois le reste. Son problème d’abcès sous son bridge est résolu ( yes !), je resserre le crochet, ça va mieux ( yes !) mais quand même elle va pas bien ( et merd…). Par mesure de sécurité pour mon agenda, je ne demande rien. Néanmoins, elle me cause de ses tracas. Elle a beaucoup de ‘’chocs’’ en ce moment. Je ne veux pas savoir lesquels de ‘’chocs’’.
C’est sûrement pas ton mec qui te fait des ‘’chocs’’ sinon ça irait mieux. En même temps, je me demande comment il fait pour te supporter. Pour le pognon ? je pense pas. par charité ? quel grand homme. mais s’il pouvait te besogner de temps en temps, ça nous aiderait. Faudra lui en parler, à un moment.
Je lance donc ici un appel humaniste : mesdames et messieurs, s’il vous plait, occupez-vous des nuits de vos conjoint(e)s, amants, maris, maîtresses, concubines, compagnons, ami(e)s, pacsés, ou autre. Homo, hétéro ou bi, on se fout de la manière dont vous le ferez, du moment, de la durée et autres détails. Et si vous ne le faites pas vous-même, payez quelqu’un (y a plein de gens qui cherchent du boulot et qui ont besoin de fric en ce moment). Tout ce que nous voulons, nous les dentistes, médecins, psy, et aussi les coiffeuses, barmans, boulangères, c’est que vos moitié(e)s cessent de nous enquiquiner parce que la couleur du ciel ne leur plait pas. Faites-leur voir le ciel en bleu ou en rose mais prenez vos responsabilités ! baisez-les qu’ils(elles) arrêtent de nous casser les pieds ! Et le reste.
Pour en revenir à Frou-frou, son organisme va très bien. Du moins pour ce qui me concerne. Donc je l’enjoins à quitter mon cabinet.
Nous avons aussi reçu M.B. Il faut que je lui trouve un pseudo. Voyons grand maitre des chiants de l’univers ? MCU ? c’est pas mal, ça. Alors MCU est faché avec la lyonnaise ( des eaux). Il évite les robinets de peur de faire une allergie à l’eau savonneuse. Pourtant ce monsieur a un poste à responsabilité auprès du public. Si, si. J’aime bien discuter avec lui car il a de la culture générale et qu’il est intéressant. Mais je n’aime pas le voir en tant que patient. Il sent mauvais. Il fume, du tabac et des fleurs aussi, il picole. Voilà pour la présentation du personnage. Il a mal aux dents. Toutes les dents. Il est atteint d’une parodontite débutée grâce à la clope et entretenue par une absence régulière d’hygiène. Ses anciens dentiers ne passent plus en bouche car les dents bougent. Il va falloir extraire. Mais cela, il a du mal à s’y résoudre. Car il le vit comme une castration. Je comprends.
Mais même en arrosant, tes chicots, ils vont pas repousser.
Je le fais ouvrir la bouche et regrette aussitôt ma témérité.
Faut que je réfléchisse avant de prendre des risques sanitaires aussi graves !
Il a pas croisé de brosse à dents depuis un bon bout de temps. Je dresse le diagnostic, le plan thérapeutique et les différentes solutions prothétiques. Je fais un devis et re-fixe un rendez-vous. Pour plus tard. Et un devis cher.
Pour pas qu’il revienne !!!
Le soir même, il rappelle, il est d’accord pour faire refaire tous ses appareils.
Youpi. Non, là, c’est totalement sarcastique. No youpi du tout…
Donc lors du rendez-vous suivant, j’extrais deux dents qui ne servent plus à rien. MCU me demande de forcer un peu plus sur l’anesthésie. Au cas où.
Non mais , ça va pas, non ? je suis pas là pour te shooter.
Puis je fais des empreintes pour les modèles d’étude. Ultra simple. C’est comme une pate de chewing-gum, avec un goût pas désagréable, qu’on vous met dans la bouche pendant environ une minute trente. Ultra simple. Sauf avec l’ultra chiant MCU. Pour faire cette pâte, on mélange de la poudre avec de l’eau. Je prépare la pate moi-même, je ne veux pas que mon assistante soit là. Parce que si elle vient aussi, soit je vire le patient parce qu’il m’énerve et qu’il est dégueulasse soit j’explose de rire tellement il est chiant.
Donc je prépare ma pâte, j’arrive avec le porte empreinte et à ce moment il pose des questions.
Mais tu peux pas te taire une minute ?
La pâte prend en une minute trente, il faut faire vite ! je réponds à la question et prends l’empreinte du bonhomme qui, évidemment, se met à gigoter. Je suis obligée d’interrompre pour savoir ce qui ne va pas.
- « c’est froid. J’aime pas ça »
- « ben oui mais vous avez pas le choix. »
je recommence à préparer de la pâte.
- « c’est bon ? l’empreinte est réussie ? »
- « ben non, vous avez voulu arrêter alors il faut la refaire »
en règle générale, j’en refais très peu. C’est ultra simple à faire et ça se rate très rarement. Et je déteste refaire. Forcément, je fais la gueule.
Je reprends mon empreinte. Vu le regard que je lui lance, MCU comprend à travers mon masque qu’il a intérêt à se tenir peinard. Je fais l’autre empreinte
- « ah, bon ? il en faut une autre ? »
- « ben, vous avez des dents en haut et en bas, non ? »
- « ah ? ah, oui »
la séance est finie. Il s’en va. Je désodorise le cabinet à grand coup d’air wick et je sors carrément dans la rue pour respirer de l’air pur.
Les jours suivants nous avons reçu la visite de M.D. nous avions déjà reçu sa sœur. Ils vivent tous ensemble, trois frères et une sœur, tous vieux garçons et une vieille fille, dans la même maison. Dans les 70 piges, chacun. Je sens bien que Mlle mon assistante fait de l’effet à M.D.
Et allez ! encore un amoureux potentiel.
M.D m’annonce qu’il a perdu une couronne faite en…mai 1966 !
Bon sang, ça c’est du ciment.
Et puis lui au moins il se souvient ce qu’il faisait en mai 66. ça m’épate.
Je fais un bilan dentaire. Là encore, la crise du savon a sévi. Pourtant on a progressé depuis 1966. maintenant on a l’eau courante, l’eau chaude, le gel douche, le dentifrice, le sent-bon. mais bon, c’est pas pire que Mme L. environ le même millésime, elle perd son bridge antérieur.
- « ah, ben, non, ce n’est pas le bridge qui s’est descellé. Ce sont les dents que vous perdez »
- « non, non, elles se déchaussent un peu. »
- « non, madame, elles tombent »
fais gaffe de pas éternuer trop fort.
- « je suis comme maman, j’ai les dents qui se déchaussent »
- « c’est à cause du tartre et de la plaque que vous laissez s’amonceler »
- « non, non, je suis comme maman. J’ai les gencives qui se déchaussent »
je n’insiste pas. en même temps, la mère, je l’ai pas connue. Peut-être qu’elle aussi était pleine de tartre et pas propre.
A la suite de cela, nous avons reçu M et Mme D. A nouveau, j’ai évité à Mlle d'assister à ce spectacle : je pense que M.D ne s’était pas lavé depuis environ 5 jours. En tout cas, pas les dents. Pas rasé non plus. Mais il avait mis de l’eau de toilette.
Ça ne nettoie pas, le sent bon, combien de fois faut vous le dire ? et ça ne désinfecte pas non plus.
Il avait des soins à faire mais vu l’état de crasse, j’ai sommairement effectué un détartrage et je l’ai congédié. Beurk.
Hélas, le pire était à venir. Jeudi, une dame a demandé un rendez-vous en urgence car son bridge antérieur est tombé.
Encore !
Et là, nous avons atteint le summum de la crassitude. Des chicots partout, des appareils qui dansent la gigue car les dents supports ont laché, de la plaque, du tartre et une odeur de corps !
- « vous avez vu ? il y a du travail, hein ? »
- « oui »
- « avec moi, vous allez avoir du travail »
il y a d’innombrables choses à extraire puis nettoyer. Beaucoup. Beaucoup. Beaucoup.
C’est une catastrophe. Ça fait bien huit ans que j’avais pas vu ça. Ça doit bien faire douze ans que ces gens ne se sont pas retrouvés face à face avec un gant de toilette, ou pire, une savonnette.
Donc c’était la semaine des crados.
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