Episode 1 : Quand Mlle rencontre M.F.
M.F est un ronchon comme on n’en fait plus. Enfin, j’espère.
Un jour, M.F se présente à son rdv, découvre l’assistante toute neuve et se dit probablement que puisqu’elle débute , il est temps de la bizuter. Et il lui assène :
-« tenez, c’est ma liste de médicaments, notez cela dans mon dossier », en lui tendant son ordonnance médicale. Mon assistante n’est pas formée à cela et ce n’est pas son travail. C’est au docteur de compléter un dossier médical , pas à une assistante.
-« non, monsieur, le docteur le fera tout à l’heure »
quel outrage ! quelle outrecuidance ! il s’ écrie alors :
-« mais à quoi vous servez vous ici alors ? »
-« je fais mon travail, monsieur et cela n’est pas mon travail »
Là, je vois rappliquer mon assistante avec la tronche de je-viens-de-m-engueler-avec-un-con-à-l-accueil ; elle me rapporte l’altercation. Je souris.
Et la première chose que lui me dit en entrant est :
-« à quoi elle sert celle là, ici ? elle n’a pas voulu noter mes médicaments dans mon dossier »
Bien, ils ont fait connaissance et je vais pas les marier , ces deux-là.
Je calme le vieux ronchon en expliquant sans relever la remarque désobligeante qu’il est bien connu de mon cabinet et que toutes les informations médicales importantes sont déjà notées.
-« mais c’est que c’est très important, vous savez, tout ces médicaments que je prends. Vous le savez, docteur ? »
non, non, j’exerce au pifomètre, pourquoi ?
Episode 2 :l'ordonnance.
Quelques séances suivantes, M.F et Mlle sont toujours autant amoureux l’un de l’autre. Je prescris des médicaments à M.F en vue d’une intervention banale. Comme c’est un inquiet, j’explique, cliché radio à l’appui, ce que je ferai, pourquoi, comment, je répète le tout quatre fois. Au bureau, je re-explique l’ordonnance que j’ai imprimée car, à l’instar de mes confrères, je n’ai pas une écriture lisible. Ce n’est pas non plus indéchiffrable, les gens parviennent à me lire la plupart du temps. Mais je prends des précautions avec ce vieux môsieur et comme le rdv suivant est planifié plusieurs semaines plus tard, j’inscris donc à la main, au bas de l’ordonnance, des commentaires : prendre tel médicament à telle date, tel autre tel jour.
M.F se met à tortiller sur la chaise.
Diable, quelque chose ne va pas. Il va piquer sa crise.
Il devient blanc puis rouge puis enrage :
- « vous pourriez imprimer quand même ! qu’est ce qui est écrit ? »
- « la même chose que ce que je vous ai expliqué cinq fois maintenant. »
- « oui, je lis, je lis, mais c’est pas évident pour moi de comprendre »
- « c’est pour cela que j’explique »
- « oui mais c’est pas évident pour moi de retenir »
- « c’est pour cela que j’écris »
- « pourquoi vous n’imprimez pas ce que vous écrivez ? »
- « c’est une ordonnance, elle est imprimée ; le reste n’est pas imprimé car ce sont des commentaires que j’écris juste pour vous être agréable. »
J’attends, il ergote, il rouspète.
ça monte , papi, ça va pas tarder à péter, si tu me cherches, tu vas me trouver.
- « mais quand même, vous pourriez faire un effort… »
- « écoutez, M .F, j’ai fait suffisamment d’efforts comme cela ; cela fait un quart d’heure que je vous donne des explications mais ça ne vous va pas. Alors, voilà, ce que nous allons faire : vous allez aller vous faire soigner dans un autre cabinet, tester la patience et l’amabilité de mes confrères et puis vous reviendrez me dire si ça vous a plu ».
M.F est devenu tout blanc.
- « vous n’êtes jamais content de ce qu’on fait pour vous, il faut toujours que vous trouviez à redire. »
- « non, non, ce n’est pas la peine ».
M.F se lève, je lui donne le choix de revenir ou pas ; mais s’il décidait d’aller essayer ailleurs, qu’il ait la politesse d’annuler son rdv chez nous. Merci.
- « ici ou ailleurs, c’est pareil, le personnel de nos jours… »
- « je ne suis pas votre personnel, M.F, je suis une praticienne qui en a marre de vous. »
Fin de la discussion .
Au rdv suivant, il est doux comme un agneau.
Episode 3 : M.F revient mettre l’ambiance…
Puis M.F eut besoin d’un devis ; je le fis mais il ne convenait pas à son organisme de complémentaire. Gentiment, j’acceptais de le refaire avec plus de détails bien que je n’y sois pas obligée et que je puisse envoyer balader cet organisme.
Seulement, M.F nous avait laissé le courrier de la complémentaire et, comme ça encombrait mon bureau, je l’ai jetée. Après tout, ce n'était qu'une banale lettre administrative, du blabla qui demandait un peu plus de précision concernant le devis, rien de vraiment important.
Erreur, erreur…
Donc M.F est arrivé et il récupère son devis. Evidemment, il demande son courrier. Mlle respire puis répond que nous l’avons jeté à la poubelle. Il n’avait pas précisé qu’il souhaitait le récupérer. Ça y est, c’est la crise. Je sors du cabinet avant que mon assistante ne le bouffe tout cru.
Il s’énerve :
- « ça va pas, non ? il ne faut jamais jeter un courrier ! c’est très très important ! un courrier , ça se conserve au moins cinq ans ! ou dix ans !»
Il gesticule dans tous les sens, faisant aller les bras de haut en bas, de bas en haut. C’est qu’il a la forme pour un retraité …
en même temps, ton courrier, si t’as réussi à l’envoyer une fois, tu devrais y arriver une deuxième et avec un peu de chance, le facteur devrait aussi réussir à le distribuer au bon endroit et encore avec un peu de chance, comme y a ton nom sur le devis, les secrétaires de la complémentaire devraient réussir à t’identifier. Surtout que toi, t’écris bien.
Je ne lui répond pas, je me tourne vers Mlle pour lui donner des indications concernant un autre travail qu’elle a à faire. Il s’énerve tout seul, gesticule, parle fort. Soudain, une pause, il s’arrête. Je me retourne avec l’air surpris
tiens , t’es encore là, le ronchon ?
Il doit être fatigué, j’en profite pour lui asséner le coup de grâce :
- « j’annule le rdv de mars, M.F »
boum, il devient blanc.
- « comment ? »
- « j’annule le rdv de mars. »
- « aahhh ??? mais pourquoi ? »
Je savoure un instant.
ch'uis sympa ou pas? j't'tend une perche pour te rattraper?
- « ben, vu que vous n'aurez pas la réponse pour le devis, le mieux, c’est d’annuler le rdv et de reporter »
raahh, ch’uis trop bonne pâte, ça va me revenir dans la figure, ça
- « mais si je vous appelle le matin pour l’après-midi ? »
- « ben, non, car votre place, on va la donner à quelqu’un d’autre ».
ça, ça lui fout la trouille : elles vont filer ma place à un autre !
-« mais si je vous donne la réponse la semaine prochaine ? »
Mlle répond que la semaine prochaine nous serons absentes puisqu’en vacances…erreur, erreur.
Je lui pardonne, elle est encore toute nouvelle dans le métier et n’en connaît pas les ficelles.
Et voilà M.F reparti en gesticulations :
- « quoi ? qquuuoooaaaa ? vous prenez des vacances ? »
mouais, du temps libre et tranquille où on t’entend plus gueuler parce que la lune ne s’est pas levée du bon coté….
Finalement, j’ai décalé son rdv d’une semaine. Beaucoup de mes confrères l'aurait sorti, peut être aurais-je dû moi aussi. La suite nous le dira.
Mlle et moi l’avons laissé râler tout seul à l’accueil à propos des vacances des praticiens médicaux.
Il y avait M.S dans la salle d’attente qui a tout entendu. Inquiet, il est venu demander à l’assistante si ça allait. Nous l’avons rassuré en rigolant. Nous avons l’habitude maintenant. Celle qui est à plaindre, c’est la femme de M.F…
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